Logo Aprapam
Logo Jenelek

Association pour la Promotion et la Responsabilisation des Acteurs de la Pêche Artisanale Maritime

Les enjeux des négociations de l'accord de pêche Sénégal-Union Européenne

Les enjeux des négociations de l'accord de pêche Sénégal-Union Européenne

lire la suite


Communiqué du Ministère des pêches

lire la suite


La transparence dans les pêches maritimes africaines

lire la suite


Protocole de pêche avec l'UE : Madame la Ministre des Pêches face à la presse

lire la suite


Lutte contre la pêche INN : L'UE presse le Sénégal à agir plus fermement

lire la suite


il y a 9 ans 36 614 Contributions


Le Code de la Pêche maritime de 2015

« Adopter des lois bien faites c’est bien, veiller à leur application correcte et effective c’est encore mieux »

Photo : Aprapam

Avant-propos

A l’entame de cet article, il nous semble utile d’apporter deux précisions :

a) Il n’existe pas au Sénégal, une zone réservée à la pêche artisanale mais une frange maritime de 6 milles marins créée par la loi 70-02 du 27/01/1970 et où, l’utilisation du chalut de fond est interdite. Les sardiniers ont le droit de pêcher dans une partie de la zone concernée et les thoniers sur toute l’étendue des eaux sénégalaises ;

b) La pêche maritime est une activité de cueillette on parle de pêche de capture. L’aquaculture qui est l’élevage de poisson, d’huitres ou de crevettes n’est pas traitée dans le code de la pêche maritime. Il lui faut son propre cadre législatif et réglementaire.

Pourquoi une révision du code de la pêche maritime ?

Pour faire face à des difficultés relatives à l’application de quelques dispositions de la loi 98-32 du 14 avril 1998, ainsi qu’à l’apparition de nouveaux principes, concepts et instruments de gestion et de conservation des ressources halieutiques, la mise à jour du cadre législatif existant était devenue nécessaire. En d’autres termes, la révision du code s’inspire des mutations intervenues tant au niveau national, qu’international.

Elle s’est déroulée de mai 2007 à juin 2015, avec la participation des acteurs industriels et artisans. En dépit des récriminations, entendues çà et là, toutes les parties concernées ont été consultée est ont participé aux travaux de la commission ad hoc, mise en place. A titre anecdotique, signalons qu’un représentant de la pêche artisanale dans la commission ad hoc s’est chargé, pendant quelques mois, de la rédaction des comptes rendus de réunion.

Présentation de quelques points saillants du code de 2015.

1. Fin de l’accès libre aux ressources halieutiques.

Désormais, l’exercice de la pêche dans les eaux sénégalaises est soumis à autorisation. Cette autorisation est donnée sous forme d’une licence de pêche ou d’un permis de pêche artisanale délivrés après paiement d’une redevance. La pêche sans autorisation étant punie d’une amende, le code de 2015 consacre la fin de l’accès libre à la ressource.

2. Introduction de la cogestion.

La cogestion est un partage de prises de décision et de responsabilités pour la gestion des ressources, entre les communautés de pêcheurs et la gestion centralisée du gouvernement.

3. Introduction des concessions.

Dans le code de 2015, il a été ajouté, à la 25ème heure, à l’article 3 : « Toutefois, sans préjudice des dispositions du précédent paragraphe, l’Etat peut concéder le droit de pêche à certaines catégories de personnes morales, dans les conditions fixées par décret. Ces personnes s’organisent soit sur une base locale ou nationale, soit en fonction des pêcheries».

4. Des plans d’aménagement des pêcheries.

Des plans d’aménagement des pêcheries sont établis sur une base annuelle ou pluriannuelle. Ils sont révisés périodiquement en fonction de l’évolution des données qui caractérisent les pêcheries. Les plans d’aménagement des pêcheries doivent, notamment :

a) identifier les principales pêcheries et leurs caractéristiques, biologiques, technologiques, géographiques, sociales et économiques ;

b) spécifier, pour chaque pêcherie, les objectifs à atteindre en matière de gestion et d’aménagement ;

c) définir, pour chaque pêcherie, le volume admissible de captures ou le niveau de l’effort de pêche optimal ;

d) spécifier les mesures de gestion, d’aménagement et de conservation qui devront être adoptées

e) définir les programmes d’octroi des licences ou permis de pêche pour les navires nationaux ou étrangers ;

f) définir les critères ou conditions d’octroi, de suspension ou de retrait des autorisations de pêche.

Les principaux acteurs participent à la préparation et à la mise en œuvre des plans qui sont approuvés par décret.

5. Applications des mesures de l’Etat du port.

Tout navire de pêche, étranger ou sénégalais, désirant accéder à un port situé au Sénégal aux fins de mener des opérations de débarquement ou de transbordement de produits halieutiques, est tenu d’annoncer son arrivée. Tout débarquement de capture par un navire étranger dans un port sénégalais, doit faire l’objet d’une autorisation. Lorsqu’il existe des preuves qu’un navire étranger opérant hors des eaux sénégalaises a, soit commis, soit favorisé des actions de pêche illicite, soit aidé à les commettre, ce navire ne sera pas autorisé à débarquer ses captures ou à utiliser les services portuaires au Sénégal sauf en cas de force majeure ou de détresse.

6. De la démarche participative.

Lors de la définition des politiques de développement durable et de gestion des activités de pêche,l’Etat facilite la concertation et la participation des organisations des professionnels du secteur, des communautés de pêche et de tous acteurs concernés.

7. L’interdiction de l’utilisation des filets en mono filament.

L’article 30 du décret 98-498 du 10 juin 1998 stipule :« il est «interdit d’utiliser ou de détenir à bord des embarcations de pêche, des filets maillants fabriqués à partir d’éléments en mono filament ou multi mono filament en nylon ». Dans le code de 2015, l’interdiction est non seulement inscrite dans la loi mais elle est étendue à «l’importation, la mise en vente, l’achat, la détention et l’utilisation des nappes et filets maillants fabriqués à partir d’éléments mono filaments, sauf dérogation spéciale».

Dans ses déplacements, le poisson envoie des ultrasons et reçoit, en retour, un écho réfléchi qui lui indique qu’il a ou non un obstacle devant lui. Si un filet maillant dérivant en mono filament se trouve devant lui, il ne reçoit pas d’écho en retour, ne voit pas, non plus, le filet et s’y emmaille. En cas de perte, le filet en mono filament continue à pêcher pendant des années, le nylon n’étant pas biodégradable.

Les filets en mono filament sont plus légers, ils n’absorbent pas d’eau et peuvent rester au fond de la pirogue sans se détériorer. En outre, ils sont plus faciles à remonter et moins chers. Le mono filament est interdit en application du principe de précaution.

Pour ne pas ôter à cette interdiction toute son efficacité, un décret devrait entrepris afin délimiter la dérogation spéciale inscrite dans la loi, aux centres de recherche et aux écoles de formation.

Dix-huit ans après le code de 1998, force est de reconnaître que l’interdiction du mono filament est insuffisamment respectée.

8. Embarquement d’observateurs.

Tout navire de pêche industrielle étranger, autorisé à opérer dans les eaux sénégalaises embarque au moins un observateur. Pour les navires de pêche sénégalais l’embarquement d’un observateur n’est pas systématique. Il peut être prévu pour des raisons scientifiques et de contrôle.

9. Durcissement des sanctions et amendes.

Dans le code de 2015, les sanctions prévues en répression des infractions sont revues en hausse. Il a été procédé au durcissement des sanctions de trois manières :

a) le montant des amendes pécuniaires a été relevé de manière substantielle (à l’exception des chalutiers rougettiers) ;

b) la confiscation par voie judiciaire d’un bateau arraisonné est possible ;

c) le commandant d’un bateau sénégalais arraisonné peut voir son livret suspendu pendant une certaine période et même définitivement. Pour les navires battant pavillon étranger, il est procédé à la rétention du livret professionnel du commandant jusqu’au paiement intégral des amendes, dommages-intérêts et frais.

10. Paiement immédiat des amendes pour la libération d’un bateau arraisonné.

La conclusion de la transaction doit aboutir au versement immédiat d’une amende. Le défaut de paiement entraîne la saisine du tribunal et l’immobilisation du navire.

Le libellé de cet article est-il suffisamment clair, pour mettre un terme à une pratique illégale permettant à l’armateur d’un bateau arraisonné de payer, en plusieurs tranches, l’amende qui lui a été infligée ?

Commentaire sur la mesure-phare du code de 2015.

A notre avis, la mesure-phare du code de 2015 est l’interdiction de l’utilisation du filet mono filament à laquelle, beaucoup de pêcheurs peinent à se conformer. Peut-être, qu’avec la cogestion les sénégalais comprendront que leurs ressources halieutiques sont constituées à 70% de poissons pélagiques, surtout de sardinelles.

Les deux espèces de sardinelles (la ronde et la plate) représentent près de 54% des débarquements de poissons effectués au Sénégal. Les sardinelles occupent une place très importante dans la pêche au Sénégal tant en ce qui concerne les mises à terre, la consommation locale que les emplois et les exportations.

Les stocks de sardinelles sont surexploités et les chercheurs recommandent une réduction de 50% de l’effort de pêche sur cette espèce. La surexploitation, présente, en effet, un risque sérieux pour la continuité de la pêche, aussi bien pour les chalutiers, que pour la flotte artisanale. Dès lors, il faut se demander :

a) dans quelle langue pourrait-on dire aux pêcheurs artisans de réduire leurs captures, voire d’arrêter de pêcher si, en même temps, des licences sont délivrées à des navires industriels avec une très grande capacité de capture ?

b) n‘est-il pas temps de réserver l’exploitation des sardinelles à la pêche artisanale pour une question de sécurité alimentaire ?

c) n’est-il pas, incohérent de vouloir protéger les sardinelles et la durabilité de la pêcherie et envisager, en même temps, la délivrance de promesses de licence à des bateaux ayant pour vocation d’approvisionner des d’unités de farine de poisson ? Il est à noter que pour avoir 1 tonne de farine, il faut écrabouiller 5 tonnes de poisson.

De par le monde, ce sont les déchets ou les restes après filetage qui sont généralement transformés en farine. A cet égard, accepter la fabrication de farine avec du poisson frais, n’est-ce pas courir le risque de mettre les sénégalais, en état d’insécurité alimentaire et poignarder dans le dos, des milliers de femmes transformatrices qui ne comptent que sur les invendus de sardinelles, pour vivre et faire vivre leurs familles.

A l’échelle mondiale la farine de poisson produite va à 46% à l’aquaculture, 24% à l’élevage des porcs, 22% aux autres animaux. Dès lors, est-il acceptable d’enlever la sardinelle de la bouche des sénégalais pour nourrir des cochons et des poissons d’élevage dans les pays riches ?

Conclusion.

Le code de la pêche de 2015 contient des mesures fortes et courageuses portant sur la préservation des ressources halieutiques notamment des sardinelles. Il s’agit, de l’interdiction d’utilisation du filet en mono-filament que les autorités sénégalaises devraient soutenir fortement.

Ensuite, dans les meilleurs délais possibles, il faudrait faire signer le décret d’application de la loi votée, faire le recensement des décrets et arrêtés qui y sont annoncés, les préparer et les faire signer. Une campagne de communication et de vulgarisation d’envergure, nous semble indiquée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Par ailleurs, il faudrait que cessent les tentatives de contournement de la loi avec des arguties. Dans ce lot on peut citer :

a) avant l’alternance « l’affaire des accords secrets »avec comme prétexte la pêche expérimentale qui, pourtant, n’était pas autorisée par le code de 1987 ;

b) à la première alternance, « les autorisations de pêche »où on a feint, d’ignorer qu’il n’y a pas de différence entre licence de pêche et autorisation de pêche ;

c) à la seconde alternance «les accords thoniers », double violation du code la pêche et de l’accord de pêche SEN-UE de 1979.

Enfin, quand on ne veut pas appliquer un avis de la commission consultative d’attribution des licences, on soutient que ses avis ne lient pas le ministre. Toutefois, le ministre lié par la loi est tenu de l’appliquer.

Dr Sogui DIOUF, Vétérinaire
soguidiouf@gmail.com