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Les enjeux des négociations de l'accord de pêche Sénégal-Union Européenne
Accès aux ressources thonières :
Les navires européens qui opèrent dans le cadre de cet accord sont principalement des thoniers. Les thonidés qui migrent dans les eaux sénégalaises n'appartiennent pas au Sénégal, mais sont gérés par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA). L'UE verse une redevance au Sénégal pour accéder à ses eaux, mais ne paie pas pour capturer des poissons sénégalais. Cela soulève la question de savoir pourquoi le Sénégal ne montre pas plus d'intérêt pour le développement d'un secteur local de pêche thonière, y compris artisanale.
Pas de place pour le merlu :
Le merlu noir est une espèce démersale que le Sénégal partage avec le Maroc, la Mauritanie et la Gambie. Les données scientifiques disponibles indiquent une surexploitation de la ressource. L'UE a l'obligation de ne pêcher que le surplus de ressources, identifié sur la base des meilleures données scientifiques disponibles. Étant donné que ces ressources sont surexploitées et que les chalutiers merlutiers font concurrence à la pêche artisanale locale, APRAPAM estime qu'il n'y a pas lieu de conserver l'accès au merlu dans un futur protocole.
Chiffres clés de l’accord de pêche Sénégal-UE :
Accord de pêche thonier avec une composante limitée de merlu
Contribution financière
1 700 000 €/an. Dont 900 000 € / an d’appui sectoriel
Redevance à payer par les armateurs
Thoniers senneurs : 18 500 € / an
Canneurs : 13 000 € / an
Palangriers : 3 525 € / an
Chalutiers : 500 € par trimestre (maximum 2 navires dans la même période)
Tonnage de référence (thon)
10 000 t /an
Total captures merlu
1 750 t / an
Appui sectoriel :
Certains projets financés par l'UE ne sont pas adaptés ou ne bénéficient pas à la pêche artisanale. De plus, il y a un manque de transparence dans les choix pour l'affectation et dans l'utilisation des fonds de l'appui sectoriel.
APRAPAM a demandé que des mécanismes transparents et participatifs soient mis en place pour assurer la transparence, la bonne utilisation et la reddition de comptes sur la façon dont l'appui sectoriel sera utilisé. Les impacts de cet appui sectoriel devraient également faire l'objet d'une évaluation.
L’étude récente sur les accords de pêche publiée par l’Union européenne souligne que la plupart des Accords de pêche contiennent aujourd’hui une clause enjoignant les parties à plus de transparence. Seule exception : l’accord avec le Sénégal, où une telle clause de transparence est totalement absente.
APRAPAM suggère que l’accord de pêche soit débattu au niveau du Parlement sénégalais avant sa signature.
Priorités :
APRAPAM estime que l'UE devrait soutenir la collecte de données scientifiques par le Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) pour une évaluation précise du surplus. De plus, l'UE devrait encourager une gestion régionale des ressources halieutiques, en particulier les petits pélagiques, qui sont une source importante d'emplois, de revenus et de nutriments pour les populations de la côte ouest-africaine.
Comparaison avec d’autres accords :
En théorie, il peut y avoir des différences entre les prix payés dans les différentes ZEE en raison de la composition des espèces capturées, mais aucune information n'est fournie sur comment les calculs sont faits.
Mauritanie
L’accord UE-Sénégal n’est pas comparable avec l’Accord UE-Mauritanie. La Mauritanie a décrété avoir un surplus de ressources qui ne peuvent pas être pêchées par la pêche locale pour une série de stocks, comme les crevettes, les petits pélagiques, le merlu, le thon, etc. Seul le poulpe, grâce à la mobilisation de nos collègues de la pêche artisanale mauritanienne pour qui c’est le gagne-pain, a été retiré de l’accord.
Cet accès important à une variété de ressources appartenant à la Mauritanie explique la taille de la compensation financière payée par l’UE. Au Sénégal, nous n’avons pas de tels surplus, et nous ne voulons pas d’un accord qui permettrait aux bateaux européens de pêcher les ressources qui nous appartiennent.
Du cadre de l’accord de pêche Maroc-UE
Le Protocole mettant en œuvre l’accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) entre l’Union européenne (UE) et le Royaume du Maroc prévoit des possibilités de pêche pour un maximum de 128 navires de l’UE à la zone de pêche couverte par le présent Accord y compris les eaux adjacentes du territoire du Sahara occidental.
La contrepartie financière du Protocole 2019-2023, financée par le budget de l’UE, est fixée à 37 millions (M) d’euros par an la première année d’application et atteint 38 M d’euros en seconde année puis 42,4 M d’euros en 3ᵉ et 4ᵉ années.
Les négociations pour le renouvellement de l'accord de pêche Sénégal-UE sont une occasion importante d'aborder les préoccupations des professionnels de la pêche artisanale sénégalaise et de faire avancer des solutions durables et équitables. APRAPAM propose que ces négociations soient très bien préparées, avec la participations de tous les acteurs concernés. Elle espère qu’elles seront menées dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant et de respect mutuel, et que l'accord qui en résultera sera bénéfique pour toutes les parties prenantes.
Gaoussou GUEYE,
Président APRAPAM
Crédit photo : APRAPAM